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Titre du blog : Sureda fa temps
Auteur : mary66
Date de création : 11-05-2008
 
posté le 25-08-2012 à 11:12:23

RÉCIT DU PASSAGE D'HANNIBAL

Récit du passage d'Amnibal
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cliquer sur les photos pour agrandir, c'est superbe. 

Magnifique vallée de Lavail avec Montbram dans le fond et la tour de la Massane. (Photo R. Bartoli)
 
Nous sommes en l'an 218 avant Jésus Christ, 77 000 fantassins, 11 000 cavaliers et 37 éléphants se préparent à traverser les Pyrénées sous le commandement de Hannibal, bien sûr ils sont passés par plusieurs cols mais ce qui est sûr c'est qu'ils sont passés par la vallée de Lavail, imaginez la peur des habitants...
 

Buste de Hannibal
 
(Extrait du "Canigou", chant VIII. Traduit du catalan, par J.de Bordas, 1889)
 
Les fées de Mirmande (antique cité disparue était située dans la région de Terrats), du Vallespir et des Albères, nous dansions, ce matin là dans le bosquet des Horts, dans les bosquets de chênes, de chênes-verts et de chênes-liège, aux divins accords d'une harpe à sept cordes. Aussitôt on entendit sur le coteau, comme le bruit sourd d'un torrent qui précipite ses eaux. Le grondement approche et se répète aux alentours, pendant que les défilés des Pyrénées semblent sourire au ciel bleu.
 

 

Les neiges des hauts sommets, fondues par les vents  déverseraient-elles maintenant leurs eaux tumultueuses dans la vallée ? Ou est-ce un troupeau de bêtes fauves qui change de climat ?  Serait-ce peut être le noir  tourbillon secouant sa crinière comme un coursier fougueux, le tourbillon, cette mêlée de vents dévastateurs qui renverse les chaumières, engloutit jusqu'aux lacs et aux rivières, tranchant le tronc des arbres comme la serpe fait des ceps de vigne et les faisant rouler en faisceaux avec un fracas épouvantable ?
 

une petite fée des Albères nous montre le chemin d'Hannibal

 

Non ; c'est le torrent d'Annibal  : dix mille ouvriers lui ouvrirent passage à l'aide de la scie et de la cognée ; les pics abaissent leurs fronts, les vallées se comblent de terre, et les rivières enjambent le pont en mugissant.  Au premier coup de ces bucherons, les arbres tombent ; les hêtres et les sorbiers se couchent comme des roseaux, et les noisetiers ne sont que des herbes aux pieds de ces faucheurs.

 
Les Maillorquins portent suspendue au bras leur fronde, tressée avec trois échevaux de chanvre ou de peau : quand la pierre sort en grondant de sa rondelle après avoir décrit un circuit qui lui donne la force et la chaleur, ou elle terrasse ou elle se fait place. Le corps des archers suit à son tour l'immense chemin tracé, faisant résonner sur leurs épaules nues des carquois abondamment garnis de flèches en faisceaux dont la pointe empoisonnée brise les ailes de l'oiseau dans son vol.
 

 

Vallée de Lavail , à gauche MONTBRAM et à droite le Roc de las Mèdes. 

 
Puis, plus bas, des flots d'hommes armés se succèdent sans intervalles ; ce sont des vagues de fer et des vagues d'acier qui se suivent et se pressent. On ne les voit pas apparaitre encore sur les sommets ; mais toute la plaine en est déjà inondée, depuis la Massane jusqu'à la mer. Aux rayons du soleil on voit miroiter cette longue écaille d'argent, sous la forme d'un énorme serpent dont les sinuosotés courent de Banyuls à Salces et de Salces à Osséja sur une longueur suffisante pour contourner deux fois le Roussillon tout entier.

 
Au milieu de l'épais tourbillon de poussière qui enveloppe et accompagne ces bataillons, on voit briller l'acier des armes et l'airain des boucliers, comme à travers les nuages noirs on voit étincelerla foudre, quand un soir d'été, le tonnerre gronde sur la montagne. On traîne les lourdes machines de guerre, qui de loin, font l'effet de blocs roulant des hauteurs ; et leurs roues massives, rongeant la roche de Montbram, font trembler la terre à chacun de leurs mouvements. (Y, fent dada rodada trontolleja la terra, rosegan eb llurs rodes la roca de Montbram.).
Annibal traverse cette immense chaîne, monté sur une tour ciselée, portée par le plus grand  des éléphants : à le voir ainsi, comme descendre des nuages, je me serais prosterné devant lui.
 

Le majestueux Montbram, ce géant de pierre qui remplit et domine la vallée, semble petit au pied d'Annibal . On dirait qu'à la vue du héros il s'efforce de doubler la hauteur de sa tête gigantesque, qui n'a jamais été frappée que par la foudre, cette épée des nuages. Le guerrier est de haute taille, aux larges épaules et aux traits fortement dessinés.  Une cuirasse d'or couvre sa poitrine et ses reins. il a le stature des jeunes Carthaginois, avec le rugissement des lions de l'Atlas.

 
(gegant de pedra que umple la Vall y la domina, la gros Montbram, d'Annibal als peus, sembla petit, Apar que al veurel dobla sa testa gegantina. Que sols lo llamp, eix glevi dels nuvols,  es alt, ample d'espatlles, de colossal figura : Un perpunt d'or abriga son pit et sa cintura ; Del joves de Cartago té layre y la estatura : Té dels lleons del Atlas lo tronador rugit.)

Montbram (photo Rolland Bartoli)
 
Une auguste légion des fils de noble race forme sa couronne et sa suite , comme le char du soleil est entouré d'une trainée lumineuse. Leurs corps est protégé par un large et rond bouclier ; leurs armes et même leur tunique sont en lames d'or.
 

encore Montbram sous un autre angle (R Bartoli)
 
Après eux, marchent les noirs tribus de l'Afrique ; et puis encore les Espagnols brandissant leur large épée cette même épée qui va rendre impuissante la tranchante "ensis"  des romains, quand ceux-ci verront flamboyer l'arme espagnole sur le champ de bataille de Cannes.
 

vieux chemin reliant la France et l'Espagne. (Bartoli)

 

Est ce
dans ce bosquet que dansaient les fées ? à mon avis, c'est là. (photo R Bartoli)

 

Vient enfin une forte arrière-garde de vingt mille chevaux, tous fils du sahara et frères du Simoun. Semblables aux centaures, les Ethiopiens qui les montent ne connaissent ni selle ni bride ;  cheval et cavalier n'en font qu'un.Et les voyant sur les sommets des Alpes la terre d'Italie pourra dire ce que la plaine semble dire aux Pyrénées "Est-ce que cette avalanche humaine se précipitant de ces hauteurs, vient pour écraser les villages que je protège ? "

 vallée de Lavail

 

Du haut de murs de Ruscino qui profilent au loin leur sombre silhouette les Sardons voient leur contrée se remplir d'armes  et contemplent sans effroi ces ondulations des moissons de Mars, éléphants, coursiers, lances et fantassins, "Levez vous contre Annibal" leur criaient hier les romains. "Levez vous contre Annibal", et ils riaient aux éclats ; ils se voyaient devant ce débordement comme de faibles roseaux, et ce n'est pas avec des roseaux qu'on peut arrêter le flot des Nations.
 

 

 

La Massane

 


"Faites moi place", leur disent aujourd'hui les hérauts d'Annibal ; "Je vais en Italie, et suis votre allié ; n'ayez aucune crainte " Ils entendent le message, mais la prudence leur interdit d'en rire. "Qu'il passe" est toute leur réponse et ils s'enferment en Roussillon. Et pendant toute une journée, ils voient défiler sous les murs de la tour avec les fantassins, des balistes et des chars de bataille, des archers avec des arbalètes, des faucheurs avec leurs faux. Que vient donc chercher en Europe le lion de l'Afrique ?

 
Ce qu'il vient chercher ? il va combattre l'aigle romaine ; la terre est trop étroite  pour deux  si puissants rivaux, il vient renverser de son trône la souveraine de l'univers et ouvrir le champ des morts à Rome ou à Carthage.  Pourquoi, tribue guerrière , voler ainsi à la mort  ?  Pourquoi ne vous faisiez-vous pas plutôt bergers sur les bords de ces torrents ?.... Les fées de Mirmande, de Roussillon et des Albères, nous dansions, ce jour là dans les bosquets des Horts."

Sur la trace des éléphants
 
De J. Verdaguer