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Prenons la machine à remonter le temps et transportons nous en l'an 1900, et oui cela fait 113 ans...

 

 

 

C'est la Saint Jean, l'abbé Louis COLL  vient de terminer la messe et s'adresse à ses fidèles en ces termes :" Dans quelques jours, nous allons recevoir à Notre Dame du Château un prêtre  Portugais, mais ce n'est pas seulement un prêtre, c'est aussi un scientifique, un savant. Il a construit une machine, un four solaire et il va l'expérimenter au "Col del buc" pendant quelques mois. Il s'appele  "Manuel-Antonio Gomes" mais il est surnommé "Himalaya" car c'est un homme très grand. Il vivra à l'ermitage et je vous demande de lui faire un bon accueil.

C'est aussi ce jour là que Monsieur PISSERA  fit amener son "gramophone" à l'église et fit écouter de la musique aux paroissiens émerveillés... Monsieur Pissera était un riche banquier de Barcelone qui avait fait construire un grand mas, je dirais presque un château avec des dépendances pour les ouvriers, il avait acheté aussi beaucoup de terres et planté la vigne. On disait alors  "le mas Pissera" puis ce fut "le domaine Sainte Hélène" ou Mas Cavaillé.

Eglise de Sorède en 1900

 

Ce monsieur venait passer les étés à Sorède avec sa famille, ils arrivaient en calèche, accompagnés par leurs domestiques.

Nous devons à la famille PISSERA les beaux vitraux de notre église.

Eglise de Sorède en 1900

 

Nous voici maintenant au mois de juillet 1900,  Himalaya est arrivé à Argelès et est logé dans la famille du Capitaine Bazeries, retraité de l'armée dont la spécialité concernait les questions du secret militaire.

Bien sûr il est venu à Sorède, a rencontré l'abbé Coll, monté au "Col del Buc" où il a fait cimenter une petite plateforme. A Argelès il attend son matériel, sa machine fabriquée à Meudon et qu' il doit tester...Celle-ci arrive vers le 10 juillet par chemin de fer, trois ouvriers l'accompagnent....on charge le tout sur deux tombereaux tirés par des chevaux et en route vers Sorède.

 

Le pont de Sorède en 1900

 

Le lourd attelage prend la route du Roy arrive à Sorède, se dirige vers le Christ et prend la route de Notre Dame du Château. Je pense que c'est  vers la troisième chapelle que les ennuis ont commencé, le chemin étant trop mauvais, les chevaux n'ont pas pu continuer. Qu'à cela ne tienne, Himalaya, descend au village voir l'Abbé Coll, il lui demande de l'aide pour monter tout son matériel à dos d'homme ou de mulet. Des hommes forts se présentent, parmi eux il y a meme une femme (Anna) Monsieur Pissera prête ses mulets et ses anes et tous se dirigent vers le lieu où se trouve le matériel à monter. On a tout déchargé sur le chemin, chevaux et tombereaux sont repartis vers Argelès. Himalaya répartit les tâches, ils seront payés suivant le poids qu'ils monteront, on charge les mulets et les ânes, certaines pièces sont très lourdes, qu'importe on va y arriver....La longue caravane se met en route Himalaya ouvre le cortège, on s'encourage, péniblement il arrivent à la chapelle du Christ, mais il faut monter j'usqu'au col del Buc et la montée est rude. On frôle la catastrophe quand un âne glisse sur une pierre et a failli tomber. Les voilà enfin arrivés, Himalaya remercie tout le monde, les paye, on dit même que certains ont gagné plus que ce qu'ils gagnaient en une semaine de travail.

Qu'il était petit mon village!!!!

 

Laissons HImalaya s'installer à l'ermitage,  faire la connaissance de l'ermite, seul habitant des lieux et commencer avec ses trois ouvriers l'installation du premier four solaire.        

Rendons nous à Sorède, un Sorède que nous avons du mal à reconnaitre, ce n'est qu'un tout petit village, les lotissements ne sont pas encore là, la population n'est que de mille habitants environ. Nous trouvons des viticulteurs, des maçons, des ouvriers qui travaillent à l'usine de fouets Massot. On a planté beaucoup  de micocouliers car le bois étant très flexible on l'emploie pour faire des cannes et des fouets pour les chevaux....

 

La vieille passerelle en 1900

 

Il est temps de parler du nouveau maire élu deux ans plus tôt aprés la destitution de Bonaventure Dispan, il avait permis une procession devant l"église alors que celà était interdit.

Ce nouveau maire n'est autre que Achille Vassal, il a des idées un peu anti cléricales et  son pire ennemi n'est autre que l'abbé Louis Coll, curé de Sorède. Le presbytère se trouvait rue Saint Jacques à l'époque ce qui fait que les deux (maire et curé) habitaient presque l'un en face de l'autre.

Le maire accusait le curé d'être un adepte des royalistes, le sous-Préfet de Céret critiqua aussi l'abbé Coll, l'accusant de s'occuper d'avantage de politique que de religion. Sorède était donc divisé en deux camps, les royalistes et les républicains et croyez moi ils ne se font pas de cadeau.

 

Café du commerce, rendez-vous de royalistes en 1900

 

En mars 1900 ont commencé les premières rixes : le 19 mars à 22 heures  les opposants du nouveau maire criaient "VIVE DISPAN", accusant les républicains d'abus de pouvoir. Les royalistes fréquentaient le café du commerce (ancien café Faille) sur la place, près du porche. Le 4 juin, la mutuelle "ALLIANCE" (royaliste) organise sa fête annuelle. Tout le monde est surexcité, le nouveau maire demande l'appuie de la gendarmerie de Saint Génis des Fontaines car la chanson typique des royalistes est interdite et est considérée comme une provocation et malgré tout on chanta "la bèpe". Bien entendu cela s'est terminé par une bagarre générale, républicains contre royalistes. Pourquoi interdire la "bèpe"? tout simplement parce que les royalistes ont ajouté au refrain "flor de lliri flor de lliri blanc" (fleur de lis, fleur de lis blanc) La fleur de lis étant le symbole de la monarchie.

Et oui, ça existait aussi à l'époque 1900. 

 

Rue St Jacques à gauche vivait l'Abbé Coll à droite le maire Monsieur Vassal.

 

Laissons les républicains et les royqalistes poursuivre leur querelle on ne sait jamais nous pourrions recevoir un caillou lancé par n'importe lequel de ces adversaires et retournons au Coll del Buc où notre ami Himalaya poursuit ses recherches. 

Les expériences progressent, un fort soleil pénètre dans l'atmosphère limpide de Sorède. C'est le 15 août que le padre himalaya a pu obtenir la plus haute température. Ce jour là, il écrit à son frère Gaspar, prètre lui aussi mais resté au Portugal : " La machine est prête à travailler, ne parle à personne de ce que je fais, jusqu'à la fin de mes travaux, dis juste que tout va bien... Les expériences ont commencé voici 3 jours, les résultats sont bons, grâce à Dieu. Il est bon de noter que cette machine est une perfection et qu'elle marche à merveille. Elle fond le métal en grande quantité et montre de toute évidence que tout ce que nous voulons obtenir, nous l'obtiendrons.

 

Site du four solaire avant débroussaillage.

 

Ici il y a aussi de la bonne eau mais en petite quantité, j'ai arrangé un tonneau avec un abattant ainsi je peux prendre des bains qui me font un bien immence." (lettre à Gaspar le 15 août 1900) .

 

Site du four solaire aujourd'hui

 

Beaucoup de gens montent voir cette fameuse machine, ils viennent à pied ou à cheval, des gens importants tels que des scientifiques, des élèves d'une école de science, des professeurs, des pères capucins, la famille Lac Vivier d'Elne, le maire de Saint André (Monsieur Matillot à l'époque) et bien d'autres encore.

Chacun observe cet engin qui fait bouillir de l'eau dans une chaudière ou qui enflamme et brule des troncs d'arbres. Des paysans et les gens du peuple viennent aussi, Himalaya les reçoit et leur explique le fonctionnement tout aussi bien. (tiré du livre de Jacinto Rodrigues sur Himalaya)

 

Panneau commémoratif

 

Mais au village, comment prennent-ils cet étranger tout à fait bizarre, certe, c'est un bel homme, un prêtre bien sûr mais tout de même il faut se méfier, c'est peut être un espion après tout ? ou bien un sorcier ?  oui sùr c'est un sorcier qui joue avec le soleil....

Un jour des petits farceurs ont dit à une femme que le curé la haut, avait besoin d'un chat noir pour ses expériences et qu'il payait bien.  Chose étonnante, elle avait justement un chat noir... elle le met dans un panier qu'elle ferme bien et en route vers l'ermitage. Elle appele le Padre  et lui dit qu'elle amene le chat qu'il demandait  ... Perdu dans ses pensée Himalaya ne met pas longtemps à comprendre et lui répond qu'il n'a pas besoin de chat, "ramenez le chez vous lui dit il" et il  lui donne tout de même une petite pièce pour le dérangement

c'était un homme au grand coeur.

 

Plus grave car cela aurait pu mal tourner : En ce jour du 15 août, il fait très chaud, c'est une année de grande sècheresse, Himalaya est en train d'orienter les miroirs en direction du soleil  et projette les rayons en direction du four. Essoufflée, Marguerite, la soeur de l'abbé Coll arrive en courant sur le site en criant : "Padre, Padre ! fuyez immédiatement, partez vite ! ils veulent vous tuer ! "

- Mais pourquoi ?

-Ils sont là bas, une dizaine d'hommes qui veulent vous tuer, détruire la machine, ils disent que vous êtes responsables car les vignes se déssèchent, vite fuyez...."

Le Padre se sentit mis au pied du  mur, le groupe de paysans arrive soudain armé de bâtons, vociférant des paroles en catalan avec grand fracas.

 

  Sorède années 1900, on distingue l'ancien Christ

 

"Anem el matar" (Nous allons le tuer) L'un des hommes se détache du groupe, s'approche du Padre qui ne bouge pas et l'interpelle en ces mots : Nous sommes là parce que nos vignes ne donnent pas de raisins, tout celà à cause de votre machine, c'est vous qui êtes responsables de cette sècheresse....

Le jeune prêtre leur explique que sa machine n'y est pour rien, "Vous avez du avoir d'autres années comme celle-ci, voyez comme les plantes ici ne souffrent pas tout près du four solaire ! " Un moment plus tard, après un dialogue d'explication et de compréhension, le groupe fraternise avec Himalaya.(Il a raconté cette anecdote à un journal portugais quelques années plus tard). 

 

Le Padre Himalaya devant sa machine en aout 1900.

 

Les expériences sont terminées....Un matin de septembre, le Padre Himalaya quitte Sorède non sans avoir dit "au revoir" à l'abbé Coll et à sa soeur Marguerite, il les a remercié de leur hospitalité, une calèche l'attend pour l'amener à Argelès. De là, il prend le train pour Paris, la lourde machine est emportée

 aussi  mais on ne sait ce qu'elle est devenue. Pendant longtemps il y eut un échange de correspondance entre le Padre et l'abbé Coll et sa soeur. Ce dernier fut envoyé à Saint Hippolyte où il fut très apprécié par la population.

Monsieur Achile Vassal  fut encore maire et à sa mort, devinez quoi ? Il a demandé d'être enterré à l'église en première classe, c'est à dire 3 curés et messe chantée. L'abbé Coll a assisté à ses funérailles tout heureux de retrouver ses amis Sorédiens....

 

moi même devant la tombe du Padre Himalaya à Cendufe village natal de Himalaya.

 

Hop ! il est temps de revenir au 21ème siècle, autres temps, autres moeurs dit-on.

Une association des Amis du Padre Himalaya a été créée afin de ne pas oublier cet homme qui était en avance sur son temps.

 

Plaque offerte en 2005 par 45 sorédiens venus sur la tombe d'Himalya.

 

Nous voulons reconstituer ce fameux four solaire au "Mas del Ca " avec l'aide de la municipalité,du Conseil général et des forgerons catalans, tout est en bonne voie.... Chacun de nous peut participer car bien sûr celà revient cher mais quelle  joie lorsque l' on verra cette fameuse machine pointer son nez vers le soleil et faire fondre le métal....

 

N D du Château (cliquer sur les photos pour les agrandir)

 

Pour en savoir plus : http://himalaya.vefblog.net/