D'années en années, la fête de Saint Jean devenait de plus en plus importante. Si au début ce n'étaient que quelques sorédiens qui montaient allumer les feux, ils devenaient de plus en plus nombreux à gravir le sentier car à l'époque la route n'éxistait pas. On emmenait de quoi manger et nous attendions patiemment le signal pour embraser les ruines d'Ultréra avec les feux de bingales. Quelques temps plus tard encore on célébra la messe de Saint Jean dans la petite chapelle de Notre dame du Chateau, cela dura quelques années puis le comité des feux de la Saint Jean acheta une magnifique statue du saint. Cette statue fut bénie par le curé doyen d'Argelès pendant la messe.
Aprés les feux chacun prenait une torche, vendue par le comité et l'on redescendait dans la plaine, les jeunes devant les plus anciens derrière. Vue d'en bas on aurait dit une immense chenille lumineusec'était merveilleux d'autant plus que chaque année la chenille devenait plus longue.
Ce petit poëme écrit par Jérome Margail qui fut l'un de ces pionniers illustre bien cette descente à la torche, il l'écrivit en 1972.
LA DESCENTE A LA TORCHE
Si nous étions venus dans ce lieu de l'Albère
Nous, les trois pèlerins de l'aplec de saint Jean
Ce fut pour réunir au site séculaire
Le mystique, la foi, la tradition d'antan.
Les feux agonisant sur les cimes d'Ultréra,
Ou cette nuit encore vivait la tradition
Sont les signes sacrés d'un instant éphémère
Que nous lègue un passé dans notre Roussillon.
Ces feux se sont éteints dans la nuit la plus courte
Les étoiles au ciel en ont pris le relais,
Et leur pâles clartés, clignotantes et sourdes,
Mélangent leurs rayons aux torches allumées.
Oui, des jeunes sont là, tels des Dieux de l'Olympe,
Leur mission accomplie dans les cimes escarpées,
Ils reviennent chantant et leur joie n'est pas feinte
Leurs torches serpentent au capricieux sentier.
Quant à nous, les imbus qu'on traite de croulants,
De ce feu qui descend, nous en sommes l'extrème
Notre lampe falote, en veilleuse éclairant,
Cache dans la pénombre cette foi en nous même.
Ce pauvre lumignon malgré tout nous éclaire,
Autour de moi cependant je puis vous assurer
Avoir vu une torche qui croyant très bien faire,
Ne voulut s'allumer qu'une fois arrivée.
La descente prend fin, et ce fut à regret,
Que je quittais les amis tout près de ma maison;
Les feux avaient vécu, la vigile marquée
De cette belle nuit, oh! ... nuit de tradition.
Si je dois faire un voeu, cela dans mon esprit,
Je dirais en moi même ceci sans réticence,
Que notre bon saint Jean me donne force et vie
Pour accomplir l'aplec (1) dont je fais souvenance.
Jérome Margail
Aplec : mot catalan qui signifie réunion de nombreuses personnes dans un but déterminé religieux ou profane.