Je laisse encore la parole à Jérome Margail pour nous raconter cette histoire.
Cette aventure que je qualifierai de dantesque eu lieu vers la fin du 19ème siècle et se déroula dans les mêmes parages que l'histoire del Charman.
Jean del Rost était aussi ouvrier fouetiste , sa femme Guidette l'aidait à raboter, torsader ce bois souple du micocoulier qui était le gagne pain de la majeure partie des habitants.Un soir de novembre,un homme vint le voir , il lui proposa une excursion en montagne pour la nuit suivante, cet homme là, on le disait sorcier et avait le surnom de "el brouchot".
Jean accepta l'invitation afin de ne pas être traité de poltron mais surtout parce l'homme lui dit qu'ils allaient chercher un trésor, des louis d'or cachés dans un vieux corral ( bergerie) d'un mas inhabité et en ruines.
Ecoutons plutot Jean qui va nous dire comment il vécut cette fameuse nuit, dans cette partie de montagne situé entre la Vallée de Lavail et la tour de la Massane.
"La nuit était déjà bien avancée et nous marchions en silence dans les mauvais sentiers éclairés seulement par la pleine lune. Au bout de deux heures de cette pénible marche, nous atteignîmes cette masure de pierres qui était autrefois une métairie où bien des générations s'étaient succédées au milieu d'un troupeau de chèvres, vivotant dans ces maigres pâturages où l'eau était aussi rare.
Il nous suffit de pousser une porte pourrie pour qu'elle tombât et nous pénétrâmes dans ce qui fut la bergerie.
Nous avions dans nos sacs une petite lanterne (fanal) à bougie qui nous donnât un peu de clarté. Nous nous mimes donc au travail d'explorer, remuant de nos mains un entassement de bois et à la pioche toute une semence de pierres qui formaient le sol de l bergerie.
Cela dura longtemps, j'étais à l'écart de cet éclairage qui nous donnaient des formes fantomatiques quand je vis devant moi une chose horrible qui me fit reculer et dresser les cheveux sur la tête. Devant moi, les yeux en feu du brouchot semblaient sortir de ses orbites, sa bouche grimaçante me cria "Sauve toi ou gare à tes pieds" et je vis des milliers de scorpions s'avancer vers moi prêts à me piquer.
Je ne pus que murmurer ces mots "canaille tu m'as eu". Et lui dans un rire démoniaque éteignit le petit falot en disant " Tu as failli mettre la main sur le fameux magot mais il n'est pas pour toi, viens, il est temps de partir car ils ne vont pas tarder." Nous quittâmes donc ces lieux pleins de mystères où je me jurais de ne plus jamais revenir.
Ce fut une descente vers le monde du réel mais au lieu de prendre les sentiers qui mènent dans le domaine du fouet, je me rendis compte au dernier moment que nous étions aux premières maisons d'Argelès.
Tout à coup, je vis une grande clarté surnaturelle qui m'éclaira comme en plein jour et venant de la direction de Collioure, un riche carrosse tiré par des chevaux d'un noir d'ébène passa devant moi. Le brouchot avait disparu mais du carrosse sa voix se fit entendre il me cria "Merci pour l'or que j'ai retrouvé grâce à toi" et l'attelage disparut avec la mystérieuse lumière.
Je suis revenu dans le réel des choses quand les cloches d'Argelès égrenèrent les douze coups de minuit par le martellement lent et lugubre sur les cloches bénies.
Novembe 1963 J. Margail